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Accession à la propriété et complément de retraite : le "reverse mortgage" aux Etats-Unis

ANIL, Habitat actualité, septembre 1996


Le programme de "reverse mortgage", géré par le ministère du logement des Etats-Unis, est une expérience qui mérite d’être examinée au moment où les professionnels mettent l’accent sur les menaces qui pèsent sur les régimes de retraite pour encourager l’accession à la propriété.

Il s’agit d’un dispositif qui dans sa logique s’apparente à un viager, mais qui prend la forme d’un contrat avec un établissement de crédit et qui bénéficie d’une garantie fédérale ; il est donc débarrassé des connotations négatives qui résultent, en France, du lien personnel entre débirentier et crédirentier.


Comment fonctionne le programme de "reverse mortgage" du gouvernement fédéral US ? 

Les propriétaires occupants âgés de 62 ans au moins, dont les prêts hypothécaires sont totalement ou presque totalement amortis, peuvent bénéficier du programme de "reverse mortgage " du "department for housing and urban development/HUD".

Celui-ci leur permet de contracter un emprunt gagé sur leur logement et d’un montant égal à sa valeur vénale, diminuée le cas échéant du montant du capital restant dû. Ce prêt peut prendre la forme d’un versement forfaitaire unique, de l’ouverture d’une ligne de crédit ou d’une rente mensuelle qui peut elle-même être versée pendant une durée déterminée ou pendant le reste de leur vie.

Avant de donner leur accord, les emprunteurs auront un entretien avec un conseiller du HUD. Pourtant leur engagement n’est pas irrévocable et si leur situation change, les bénéficiaires de ce programme peuvent modifier les modalités de versement de cette rente et restructurer leur actif.

La spécificité de ce programme, par rapport aux formules de prêt hypothécaire classique, réside dans la garantie offerte au particulier qu’il n’aura rien à rembourser tant qu’il occupera le logement.

Le prêteur récupérera le capital et les intérêts restant dus lors de la vente du logement : celle-ci peut intervenir avant le décès de l’emprunteur, si celui-ci souhaite déménager.

Le cas échéant, la valeur résiduelle sera reversée au bénéficiaire ou à ses héritiers ; ces derniers pourront même, s’ils le souhaitent, souscrire un nouveau prêt pour conserver le logement.

Si le produit de la vente ne suffit pas à éteindre la dette, le HUD rembourse la différence à l’établissement prêteur.

Pour couvrir le coût de cette garantie, le FSA/Federal Housing Administration, qui dépend du HUD, perçoit une prime d’assurance sur tous les emprunts de ce programme.

Le montant de prêt consenti (somme forfaitaire ou mensualités) est déterminé par l’âge de l’emprunteur, la valeur du logement et le taux d’intérêt. Plus l’emprunteur est âgé, plus la somme qu’il peut emprunter est importante.

A titre d’exemple, pour un taux de 9 %, une personne de 65 ans peut emprunter jusqu’à 26 % de la valeur de son logement, s’il a 75 ans ce pourcentage s’élève à 39 % et s’il a 85 ans à 56 %.

Il n’y a pas de plafond de revenu, ni de prix plafond des logements pour pouvoir bénéficier de ce programme ; cependant, le montant maximum empruntable est limité et varie selon les prix moyens des marchés.

Le HUD se finance grâce aux primes d’assurance : les emprunteurs paient 2 % du prix des logements, plus 0,5 % des sommes versées chaque année ; ces frais sont généralement payés par le prêteur et répercutés sur l’emprunteur.

Ces modalités aboutissent à ce que les prêts consentis dans le cadre de ce programme soient moins coûteux que ceux proposés par des prêteurs privés sans l’assurance du FSA.

Ce système permet donc aux propriétaires occupants de désinvestir pour obtenir un complément de retraite ou pour entreprendre les travaux d’amélioration nécessaires à leur logement.

Plusieurs éléments expliquent la place donnée à ce programme dans la politique fédérale en faveur du logement :

  • la modestie des prestations offertes par la plupart des systèmes de retraites aux Etats Unis,
  • la proportion élevée de propriétaires occupants : 65,4 % pour l’ensemble de la population,

80 % des personnes âgées sont propriétaires de leur logement, y compris ¼ des personnes âgées considérées comme en dessous du seuil de pauvreté et 70 % du patrimoine des personnes âgées est constitué par le logement (source : Karen Martin GIBLER et Joseph RABINASKI, Housing Policy Debate - Vol 4 - Issue 4 - 1993),

  • la modicité des coûts des mutations qui fait que la propriété n’est en rien un obstacle à la mobilité.


Une expérience transposable ?

En quoi cette expérience peut-elle être intéressante pour la France ?

L’inquiétude qui s’accroît quant à l’avenir des régimes de retraite ne joue pas encore pleinement en faveur de l’investissement en logement.

En effet, l’incertitude sur la situation économique générale fait hésiter les particuliers à souscrire des engagements à long terme pour acquérir leur logement ; de surcroît, on observe que ceux qui se décident à le faire empruntent sur des durées plus brèves que ce n’était le cas au cours des années 1980.

La crise immobilière des années 1990 a mis en évidence, surtout à partir de l’exemple grossissant de Paris, le fait que les valeurs immobilières n’étaient plus immuables et qu’elles pouvaient connaître des baisses significatives.

Cependant, si la pierre a perdu sa qualité de valeur refuge absolue, notamment pour les investisseurs, le fait pour un particulier d’être propriétaire du logement qu’il occupe continue de le garantir contre la nécessité d’avoir à payer des loyers à l’avenir. Et toutes les enquêtes, et notamment celles conduites par le réseau des ADIL, démontrent la permanence de l’attrait de la propriété en France. En revanche, on note que les particuliers sont moins soucieux que par le passé de transmettre leur logement à leurs héritiers.

C’est pourquoi, autant que sur l’avenir des fonds de pension, c’est peut-être dans ce type d’expérience, assez simple à mettre au point puisque le FSA joue un rôle finalement assez proche de celui du FGAS chez nous, que doit s’alimenter la réflexion sur le lien entre logement et complément de ressources pour les retraités.

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