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Prévention des expulsions : constats et améliorations possibles

ANIL, extrait d'Habitat Actualité, mars 2012

Le réseau ANIL-ADIL a récemment publié trois études sur la prévention des expulsions locatives : la première, porte sur le fonctionnement des Commissions de coordination des actions de préventions des expulsions (CCAPEX), récemment mises en place dans les départements ; la seconde s’intéresse au processus qui a conduit à l’expulsion ; la troisième décrit le profil des ménages en impayés de loyer ayant consulté les ADIL. Ces trois études, qui s’ajoutent aux travaux précédents de l’ANIL et des ADIL, n’épuisent certes pas le sujet, puisque l’on ignore le nombre de situations qui ont pu être sauvées grâce à la mise en œuvre des dispositifs existants. Elles permettent toutefois de mettre en évidence certaines faiblesses et de suggérer des pistes susceptibles d’en améliorer l’efficacité.  
Toutes les procédures mises en œuvre partent d’un constat consensuel : il faut réagir le plus rapidement possible et coordonner l’action de tous ceux qui peuvent aider, sous diverses formes, à éviter l’expulsion.
Dans le formalisme juridique qui peut conduire à l’expulsion, l’accent est mis sur les délais qui, à chaque étape, sont censés permettre aux ménages en difficulté d’utiliser tous les moyens disponibles pour éviter le pire, c’est-à-dire de se retrouver à la rue. Or, force est de reconnaître que ces délais ne sont pas toujours mis à profit, loin s’en faut, pour des raisons connues et confirmées par les trois études : absence de contact direct avec les ménages, réticence de ces derniers à l’égard de l’intervention des travailleurs sociaux, faible compétence de ceux-ci en matière de logement, défaut ou insuffisance de l’enquête sociale, multiplicité des intervenants, suivi insuffisant ou inexistant des dossiers. Ils peuvent alors jouer contre l’intérêt du ménage, dont la capacité à apurer sa dette s’amenuise à mesure que celle-ci augmente. Ils jouent également contre l’intérêt du bailleur qui en fera les frais.
La mise en œuvre du dispositif de prévention des expulsions ne devrait pas conduire à rechercher à tout prix le maintien du ménage en impayés dans le logement qu’il occupe, mais à lui proposer une solution de logement viable à long terme, c’est-à-dire compatible avec ses ressources. Le maintien dans son logement n’est envisageable que s’il est capable d’une part de reprendre le paiement du loyer, d’autre part de rembourser progressivement sa dette. Or l’enquête sur le profil des ménages montre que ce n’est que rarement le cas des ménages expulsés, qui ont presque tous des ressources très faibles. L’expulsion aurait pourtant souvent pu être évitée si l’orientation vers un logement moins cher avait été envisagée en temps utile. Lorsqu’elle intervient, le ménage expulsé est livré à lui-même, contraint de rechercher par ses propres moyens et dans l’urgence un nouveau logement.
A elle seule, la protection juridique des ménages en difficulté s’avère donc inopérante. Submergés par les difficultés qui s’accumulent, angoissés par la perspective de l’expulsion, souvent traumatisés par l’évènement qui a précipité leurs difficultés – perte d’emploi ou éclatement du couple, maladie – et désarmés devant la complexité des procédures et du langage juridique, comment pourraient-ils, sans aide extérieure, trouver une issue acceptable à leur situation ? Or cette aide fait souvent défaut, et lorsqu’elle existe, elle n’est pas toujours efficace.
La première condition pour que les dispositifs de sauvegarde puissent agir efficacement est d’établir un contact avec les personnes concernées. C’est un préalable indispensable à l’analyse de leur situation. Il doit s’agir d’un entretien en face à face, car les courriers sont souvent inopérants, soit parce qu’ils sont mal compris, soit parce qu’ils ne sont pas lus. La seconde est que ce contact puisse initier une action efficace. Mais qui, ou quel organisme, peut, dans le schéma actuel, assumer efficacement cette tâche ? Certainement pas les CCAPEX, qui  ne sont pas organisées pour cela : leur tâche se borne à réunir les intervenants susceptibles d’être concernés ; elles assurent une instruction administrative – souvent réduite, par la force des choses, à sa plus simple expression – des dossiers, mais n’en assurent pas le suivi et n’interviennent pas directement dans la recherche de solutions. Elles n’en ont pas les moyens et sont cantonnées à un respect formel des textes. Les travailleurs sociaux, lorsqu’ils ont établi un contact, peuvent difficilement agir efficacement, faute de maîtriser l’ensemble d’un dispositif complexe dans ses différents aspects : juridique, administratif et financier.
L’efficacité commanderait que l’ensemble des tâches -l’établissement d’un contact avec le ménage, l’étude de sa situation, le rassemblement d’informations nécessaires à son traitement et la recherche, au vu de leur analyse, d’une solution viable- soit pris en charge par un opérateur unique spécialisé dans la prévention des expulsions. Un tel schéma existe dans certains départements, peu nombreux, souvent ruraux. Sa mise en place exige, certes, des moyens conséquents dans les départements urbains où le nombre de procédures est élevé. Mais faute d’une telle mesure, il est difficile d’envisager un réel progrès dans le traitement d’un phénomène dont l’ampleur va croissant.

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